Un immortel est mort, il s’agit de Jean-Loup Dabadie. L’équipe de la Maison de Chateaubriand souhaite présenter ses sincères condoléances à sa famille et à ses proches. Élu à l’Académie française le 10 avril 2008 et reçu le 12 mars 2009 par Frédéric Vitoux, Monsieur Dabadie occupait le 19e fauteuil, celui de Chateaubriand.

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Jean-Loup Dabadie dans l’Académie française à Paris, en décembre 2016 © Eric Feferberg pour l’AFP

Jean-Loup Dabadie est né le 27 septembre 1938 à Paris. Il passa son enfance à Grenoble et fit des études de lettres classiques. Il publia son premier roman, « Les Yeux secs », à 21 ans. Jean Vilar lui donna le goût du spectacle.
Il écrivit des scénarios et dialogues de films, des pièces de théâtre, des sketches et des chansons pour Serge Reggiani, Jean Gabin, Yves Montand, Barbara, Michel Polnareff, Michel Sardou, Robert Charlebois et Julien Clerc ainsi que des sketches, pour Guy Bedos, Muriel Robin, Sylvie Joly, Michel Galabru, Jacques Villeret ou Pierre Palmade.

Dans son discours de réception, Jean-Loup Dabadie raconta la première fois où il put entrer dans la bibliothèque des Académiciens – la bibliothèque de l’Institut. Il y lut du Chateaubriand.

« Là, il semble que les lumières se taisent comme les bruits, les ombres sont en étude, les voix ne font pas d’imprudences, cependant que tout autour de soi on voit s’élever de la littérature la montagne, la montagne toujours recommencée.
Je suis allé m’asseoir dans un cabinet de lecture, avec trois volumes de Chateaubriand prêtés par des mains discrètes. Je me sentais accueilli, entouré déjà, protégé par ces millions de pages comme des millions d’ailes repliées sur tant d’histoires, tant d’aventures, tant de cris, tant de larmes. La nuit s’est approchée sans que je m’en aperçoive, à pas de louve. Je lisais. Dehors, seul un oiseau dérangeait le silence. Ainsi, avant d’être reçu par les hommes, on est reçu par les livres. »

Plus loin, il ne manqua pas de parler de ce fauteuil qu’il occupa sous la coupole durant plus de 11 ans.

« Il en a vu de belles, le 19e fauteuil. Il en a vu de belles, il en a vu de beaux… Si François René de Chateaubriand, élu au deuxième tour le 20 février 1811 par 13 voix sur 25, avait tenu à prononcer tel qu’il l’avait écrit son discours sous la Coupole, vous ne seriez – je n’ose pas encore dire « nous » quand je parle de vous –, sous cette Coupole vous ne seriez point aujourd’hui ! C’est inimaginable, mais c’est imaginable. Il faut croire l’auteur des Mémoires d’outre-tombe : « Bonaparte déclara que s’il eût été prononcé, il aurait fait fermer les portes de l’Institut et m’aurait jeté dans un cul de basse-fosse pour le reste de ma vie. » Je crois Chateaubriand et je crois Napoléon qui, avec son amabilité légendaire, avait déjà prévenu Ségur, le président de l’Institut : « Si la classe désobéit – la classe, en ce temps-là, c’est la classe de littérature, l’Académie – si la classe désobéit, je la casse comme un mauvais club. » Chateaubriand refuse de changer une syllabe à son discours. Mais il ne vient pas le prononcer : la classe est sauvée, et le 19e fauteuil avec elle.
Chateaubriand viendra s’installer sous la Coupole cinq ans après. Et c’est lui qui fera campagne pour Victor Hugo. Et Victor Hugo pour Balzac ! Honoré de Balzac pour succéder à Chateaubriand, au 19e fauteuil ! Je pense que s’il l’eût occupé, nous aurions été quelques-uns, dans l’humble postérité que nous aurions composée avec une sorte d’effroi, à rester toute notre vie debout à côté de ce fauteuil… »

Chateaubriand écrivit : « les vivants ne peuvent rien apprendre aux morts ; les morts, au contraire, instruisent les vivants. » De son vivant, Jean-Loup Dabadie composa les paroles de la célèbre chanson « On ira tous au Paradis ». Maintenant qu’il est mort, la Maison de Chateaubriand formule le vœu que ses chansons puissent continuer longtemps d’instruire les vivants.