Lettres du duc Paul de Noailles

Date de mise en ligne : février 2021

 

Paul de Noailles (1802-1885)

Familier assidu de l’Abbaye-aux-Bois.

Auteur de Saint-Cyr. Histoire de la maison royale de Saint-Louis établie à Saint-Cyr (Paris, Lacrampe et Cie, 1843) et d’une Histoire de Mme de Maintenon et des principaux événements du règne de Louis XIV (1848-1858).

Élu le 11 janvier 1849 au fauteuil de Chateaubriand à l’Académie française, avec l’appui de Mme Récamier, de la princesse de Liéven et du duc Pasquier.

duc Paul de noailles recadre ParisMusees

Portrait du duc Paul de Noailles par Antoine Maurin, 1841 © CC0 Paris Musées / Musée Carnavalet

 

 

Six lettres acquises par la Maison de Chateaubriand en 1991.

 

Lettre autographe signée de Paul de Noailles à Pierre-Simon Ballanche, datée de Ems, le 17 juin 1843.

Trois pages et demie (feuille pliée).

Inv. MS.991.54

MDC92 MS 991 54 p01

 

Ems, le 17 juin 1843.

La veille du jour où j’ai reçu votre aimable lettre, mon cher monsieur Ballanche, j’avais écrit à Mad[ame] Récamier pour lui donner les nouvelles qu’elle avait la bonté d’attendre avec impatience. Celles que je vous enverrai aujourd’hui ne sont pas meilleures. Le mauvais temps qu’il a fait ici depuis quinze jours nous a été funeste et a rendu ma fille beaucoup plus souffrante.

Le beau temps et la chaleur sont venus depuis deux jours, mais le mal ne se répare pas aussi vite qu’il se fait. Nous ne pourrons savoir ce qu’auront produit ces eaux que q[uel]que temps après qu’elles auront // été prises, et nous en sommes encore aux vœux et à l’espérance. J’ai fait toutes vos commissions ; on est habitué à votre intérêt mais on ne se déshabitue pas d’y être sensible.

Mad[ame] Nariskin est arrivée ici avant-hier. C’est la seule personne ici que je connaisse, et je ne désire pas en connaître d’autres. Je suis absorbé pas les soins et l’état de ma chère fille qui jouit bien peu de ses dix-neuf ans, mais qui est douce, résignée, sereine, ne se plaignant jamais quoique depuis bientôt un an son état soit vraiment bien décourageant et bien douloureux.

Je vous remercie de vos petites nouvelles. Nous avons lu M. de Custine qui aurait dû faire deux volumes // des quatre. Si la comédie des demoiselles de Saint-Cyr est bien ridicule et bien inconvenante, il faudra envoyer un de mes exemplaires à M. Dumas. Je regrette que Sainte-Beuve n’ait pas mis à exécution l’aimable idée qu’on m’a assuré qu’il avait de faire un article dans la Revue des Deux Mondes sur ce [en surcharge de : mon] petit Saint-Cyr, tout modeste et tout petit qu’il est. Si q[uel]que présentation anticipée pouvait en être faite dans le monde, elle devrait venir de l’abbaye ; c’est là où sont tous ses parents.

Nous remercions donc bien Mad[ame] Récamier, M. de Chateaubriand, M. Ampère et vous de votre sollicitude pour nous, et nous voulons être // nommés tous à vous tous.

Je compte toujours avoir le plaisir de vous revoir au milieu de juillet.

Recevez, mon cher monsieur Ballanche, l’assurance de tout mon attachement et de tous les sentiments que je vous ai voués.

Le duc de Noailles

 

 

Lettre autographe signée de Paul de Noailles à Salvandy, datée du 5 juillet 1845.

Une page (feuille pliée).

Inv. MS.991.55


MDC92 MS 991 55 p01

 

Je prends la liberté de faire demander à Monsieur de Salvandy si je pourrais avoir l’honneur de le trouver chez lui, soit aujourd’hui de cinq à six heures, soit demain avant midi.

Je le prie de recevoir la nouvelle assurance de tous mes sentiments.

Le duc de Noailles

Samedi 5 juillet 1845

 

 

Lettre autographe signée de Paul de Noailles à Salvandy, datée de Maintenon, le 29 juillet 1845.

Cinq pages et demie (deux feuilles pliées).

Inv. MS.991.56

MDC92 MS 991 56 p01

 

Maintenon, 29 juillet 1845.

Je ne puis, Monsieur le Comte, m’empêcher de me plaindre à vous de la rigueur dont M. le proviseur d’Henri IV a usé envers mon fils, élève de rhétorique externe à ce collège. Ayant eu un accessit d’histoire à Pâques, et ayant été constamment des premiers de la classe dans cette faculté, il a été nommé, comme il en avait le droit, pour aller au concours. On m’a fait en conséquence demander son extrait de naissance que j’ai envoyé en temps utile et sur lequel il n’y a eu aucune observation ; puis, au jour même du concours, samedi dernier, quand il se présente à la Sorbonne avec ses camarades <à 6 h du matin>, on lui signifie à la porte qu’il a été rayé de la liste du concours. Il va trouver le censeur, qui lui répond que c’est probablement à cause de son âge ; il lui // [biffé : répond] démontre qu’il est en règle de ce côté (il a eu 18 ans le 26 8bre dernier après la rentrée des classes) et que d’ailleurs il n’y a eu aucune observation sur son acte de naissance ; le censeur ne sait trop que lui dire, bref, les portes se ferment, il n’y avait le temps d’aucun moyen de recours, et mon pauvre fils est obligé de revenir, après s’être inutilement donné bien de la peine depuis quelque temps pour se préparer dans une faculté où il avait lieu d’espérer des succès. Il a été trouvé son professeur d’histoire, M. Burette, qui a été fort surpris et fort mécontent, de même que son professeur, M. Daveluy, qui tous deux l’aiment et le soignent beaucoup dans leur classe. Il a été pour voir le proviseur et se plaindre à lui, mais il n’a pu le trouver.

MM. Burette et Daveluy lui ont dit que // le motif probable, qu’ils ont trouvé d’une rigueur excessive, était qu’il n’a pas suivi dans la classe le cours de latin. En effet, pour cause de santé, et par permission et exemption écrite du ministre (M. Villemain), il n’a pas suivi la classe de latin ; mais on n’avait pas du tout entendu que cela l’empêcherait de concourir dans les autres facultés. Il y a des élèves externes qui manquent constam[men]t de certains cours, et qui n’en concourent pas moins. M. Burette a dit à mon fils qu’il y avait un élève d’Henri IV qui venait de concourir pour le discours latin, et qui n’avait pas paru une seule fois à son cours d’histoire.

[un mot biffé] Si d’ailleurs cette circonstance était un obstacle absolu, elle était connue ; pourquoi malgré cela, [biffé : l’] avoir nommé parmi ceux qui devaient concourir, et m’avoir fait demander à cet effet son acte de naissance ? Et quand on l’a rayé, pourquoi ne pas l’avoir averti ? Il y a // dans ce procédé q[uel]que chose de très désagréable, et il semblerait même q[uel]que chose de perfide, comme pour l’empêcher d’avoir le temps d’invoquer contre cette décision l’autorité supérieure.

Vous ne sauriez croire combien le pauvre jeune homme a été affecté de cette aventure. Comme sa santé l’a empêché de faire régulièrement les classes, et d’avoir les succès qui sont l’ambition des écoliers, il attachait un grand prix à pouvoir, cette dernière année où il a pu travailler davantage, obtenir q[uel]que mention publique honorable. Aussi comme il n’avait d’espoir que dans la faculté d’histoire, il s’était depuis six semaines <ou deux mois donné> [biffé : donné] beaucoup de peine pour être au niveau des plus forts. Vous-même me faisiez l’honneur de me dire, il y a un mois, le plaisir que vous auriez à appeler son nom. Rien ne blesse et ne décourage les jeunes gens comme ces déboires et ces mécomptes dans leur // carrière d’écoliers ; mon fils ne peut pas parler de [biffé : cet] sang-froid de cette porte du concours qui lui a été fermée au nez ; et je vous avoue que moi-même je n’y suis pas insensible. J’ajouterai même que dans la querelle actuelle où l’université se trouve engagée, il ne [biffé : devrait] devrait pas lui être indifférent, ce me semble, avec les opinions que j’ai, de pouvoir montrer mon nom sur les listes, et ma confiance dans son instruction. M. le proviseur d’Henri IV ne s’est montré là, ni bienveillant, ni homme d’esprit.

Après ces longues plaintes paternelles, je prendrai la liberté, Monsieur, de vous rappeler les offres de service que vous avez eu la bonté de me faire au // sujet du précepteur.

Veuillez, Monsieur le Comte, recevoir la nouvelle assurance de tous mes sentiments et de ma haute considération.

Le duc de Noailles

 

 

Lettre autographe signée de Paul de Noailles à Delphine de Girardin, datée de Paris, le 7 décembre 1848.

Une page (feuille pliée).

Inv. MS.991.57


MDC92 MS 991 57 p01

 

Paris, le 7 Xbre 1848.

Je me reproche, Madame, de ne vous avoir pas encore priée de me permettre de vous offrir ces deux volumes que je viens de publier. L’histoire d’une femme de beaucoup d’esprit peut être naturellement offerte à l’une des femmes qui en a le plus dans notre temps, et je voudrais bien que dans ce passeport très plausible, vous vissiez de ma part un désir très particulier de vous persuader de tous les sentiments les plus distingués dont je vous prie de vouloir bien agréer de nouveau l’hommage.

Votre humble serviteur

Le duc de Noailles

 

 

Lettre autographe signée de Paul de Noailles à un destinataire non identifié, datée du 13 mai 1855.

Deux pages et demie (feuille pliée).

Inv. MS.991.58


MDC92 MS 991 58 p01

 

13 mai 1855

Monsieur,

Il m’a été impossible de retrouver un exemplaire du petit volume du Saint-Cyr que j’ai fait imprimer il y a plus de dix ans, pour vous l’envoyer comme je vous l’avais promis. Je n’ai en ma possession que ce débris qui m’a servi à recomposer pour le 3e volume de mon histoire le chapitre qui doit être consacré à l’établissement de Saint-Cyr. Néanmoins ce débris renferme l’écrit complet. Si la personne qui s’est chargée du travail dont // vous m’avez parlé, veut s’en contenter, et ne faire aucune attention aux renvois, notes au crayon, numéros intercalés, &a, il pourra en faire la lecture suivie, et avoir une idée suffisante de ce petit ouvrage qui a le premier raconté avec q[uel]que détail l’histoire de cette maison célèbre et a précédé de dix ans celle plus volumineuse qu’a publiée M. Lavallée.

Je désire que cette communication informe puisse être utile à votre projet ; mais je vous prierais de me faire rendre exactement ce petit volume // en l’état où je vous l’envoie car il m’est précieux, n’en ayant point d’autre.

Recevez, Monsieur, l’assurance de mes sentiments les plus distingués.

Le duc de Noailles

 

[D’une autre main :]

de l’Académie française

aut[eur] de l’hist[oire] de Mme 

de Maintenon

 

 

Lettre autographe signée de Paul de Noailles à un destinataire non identifié, datée du 10 mai 1862.

Trois pages (feuille pliée).

Inv. MS.991.59


MDC92 MS 991 59 p01

 

10 mai 1862.

Mon cher Monsieur,

Je vous envoie un portrait du cardinal à genoux et en prière, que j’avais à Maintenon, et que je ne conçois pas que je n’aie pas montré dès l’origine comme indication de ce que nous voulions. Je l’enverrai aujourd’hui ou demain à M. D. à l’atelier de notre artiste pour qu’il en tire le parti qu’il jugera convenable. //

La statue vient bien. Mais il y a deux points sur lesquels je vous prie d’insister auprès de lui : plus de largeur dans les épaules, et les bras un peu plus détachés du corps pour donner plus de cossu au personnage ; 2° la tête un peu inclinée pour qu’il soit davantage priant. Le portrait que je vous envoie remplit davantage ces deux conditions. On aurait pu // peut-être aussi laisser voir, comme dans le portrait, l’aube brodée ; cela eût fait de la diversité dans le costume et un joli détail.

Recevez, je vous prie, la parfaite assurance de tous mes sentiments très distingués.

Le d[uc de] Noailles