Chateaubriand traducteur
Auteur : Olivier Grinhard
Date de publication : Juin 2024
Bien que Chateaubriand soit connu pour avoir publié en 1836 une traduction du Paradis Perdu de Milton, ce goût de traduire des textes de la littérature étrangère, remonte au temps de sa jeunesse.
Pendant son adolescence à Combourg, en compagnie de sa sœur Lucile, dès 1783, il traduit « les plus tristes passages de Job et de Lucrèce. » [1]
En 1787, son emploi du temps de sous-lieutenant lui permet de consacrer deux heures de traduction de L’Odyssée d’Homère et de la Cyropédie de Xénophon .[2]
Durant son exile anglais, l’écrivain traduit trois contes gaélique transposés en anglais du gaélique par John Smith, Durgo, Duthona,Gaul [3]ainsi que des extraits de son Essai sur les révolutions . Il est certain que Chateaubriand a aussi travaillé sur le Paradis perdu de Milton dont il cite de nombreux extraits dans le Génie du christianisme et qui a inspiré les pages des Martyrs, consacrée aux combats que se livrent les puissances célestes et les légions infernales.
En 1836, Chateaubriand, à court d’argent, reprend de fond en comble le travail réalisé sur Le Paradis perdu.
Si au premier abord tout semble opposer les deux hommes ; Milton le révolutionnaire puritain et Chateaubriand le conservateur catholique, les deux écrivains ont pourtant plus de choses en commun qu’il n’y parait ; ils ont connu chacun une révolution avec les bouleversements sociétaux que celle-ci engendre, et nous retrouvons chez chacun d’eux le goût de la liberté, l’amour de la belle langue, le culte des auteurs anciens tels qu’Homère et Virgile et une foi profonde.
La traduction du Paradis perdu est précédée de l’Essai sur la littérature anglaise, dans lequel Chateaubriand place son auteur au même rang que Shakespeare.
Dans les remarques qui précèdent l’ouvrage, l’écrivain rappelle toues les difficultés rencontrées cours de la traduction.
Au contraire des traductions antérieures qui souvent sont des réécritures, l’écrivain insiste sur le fait qu’il a donné une traduction littérale et non littéraire et qu’il a suivi le texte dans ses moindres détails pour ne pas en trahir l’esprit. Cette fidélité au service du texte original le conduit à essayer de restituer la sonorité des vers de Milton même si cela s’est fait parfois au détriment de la syntaxe française. Chateaubriand rappelle aussi que Milton, nourrit de grec et de latin, pratique la versification sans rimes à la manière d’Homère ou de Virgile.
Ce travail, salué par ses contemporains tel que Pouchkine est toujours considéré comme le plus fidèle au texte d’origine.
La démarche de Chateaubriand pose au traducteur un problème toujours d’actualité ; celui de l’équilibre entre la traduction littérale et la traduction littéraire. Si la première s’attache à respecter le texte mots à mots, la seconde pour être au plus près de l’esprit de l’œuvre originale introduit une part de subjectivité.
Darodes d’après Flatters
1863
Gravure en taille douce
– Satan plongeant dans le Styx.
GE.961.509
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[1]Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe, tome 1, éditions la Pochothèque,2008, 1er partie, livre III, chap 6, p 205.
[2] Elisabeth Bougeard-Véto, Chateaubriand traducteur, éditions Honoré Champion,2005,page 32.
[3] Elisabeth Bougeard-Véto, Chateaubriand traducteur, éditions Honoré Champion,2005,page 39