Cette huile sur toile représente un détail du célèbre tableau de Girodet, Les Funérailles d’Atala (ou Atala au tombeau), illustrant le roman de Chateaubriand publié en 1801.

 title=
© Benoît Chain

Anne-Louis Girodet-Trioson (Montargis, 1767 – Paris, 1824). Chactas. Vers 1808 ou 1813. Peinture à l’huile sur toile. H. 60 x L. 73,5 cm. Inv. 2016.3.1
Exposé dans le cabinet Girodet


L’œuvre, aujourd’hui au musée du Louvre, avait été commandée à l’artiste par Bertin l’aîné, ami de Chateaubriand et directeur du Journal des débats. Exposée pour la première fois au Salon de 1808, son succès immédiat liait profondément et définitivement dans la mémoire collective le récit de l’écrivain et le chef-d’œuvre du peintre. L’artiste en donna une réplique, commencée par Pagnest et entièrement reprise par ses soins, monogrammée et datée 1813. Cette répétition (Musée du Louvre, en dépôt au musée Girodet de Montargis) fut acquise par le roi Louis XVIII au Salon de 1814.

Notre fragment montre le jeune Indien enlaçant une dernière fois les jambes de sa bien-aimée qu’il s’apprête à ensevelir. Comme son pendant, Atala (n° Inv. 2013.8.1), dans les collections de la Maison de Chateaubriand depuis 2013, le sujet est à peu près au format du personnage de la composition originale. La facture, de très haute qualité, désigne elle aussi la main du maître. Un détail est à noter : la légère barbe, courant le long de la joue de Chactas et au-dessus de sa lèvre supérieure, absente dans l’œuvre du Louvre, se retrouve dans la réplique de Montargis. La modification fut introduite par Girodet afin de permettre la distinction entre ses deux œuvres. Coutumier de ces variantes, Girodet avait pu en faire d’abord l’ébauche sur ce petit tableau très abouti qu’il conservait pour lui.

Bien que l’historique de Chactas ne soit pas connu, on peut penser en effet, à la suite de Sidonie Lemeux-Fraitot, spécialiste du peintre, qu’il correspond à l’une des trois répliques partielles des Funérailles d’Atala, accrochées dans le corridor du premier étage de son hôtel parisien. L’inventaire après décès de Girodet mentionne : une « étude de M. Girodet d’Attala [sic] » ; une « étude de vieillard à longue barbe » — le Père Aubry aujourd’hui au Musée Girodet de Montargis — ; et enfin, sous le n° 185, une « tête de Jactas » [sic], très probablement le présent tableau.

Le détail est cadré sur le torse nu et musculeux, les bras et la tête du jeune homme, replié sur son chagrin. Seuls le dos et la nuque, ainsi qu’un fragment du linceul, sont éclairés par la lumière du soleil levant qui va présider aux funérailles. Le rouge de la perle ornant la boucle d’oreille répond à la carnation de la bouche et à celle des phalanges douloureusement crispées du héros. Le peintre, qui n’a pas choisi un moment particulier de l’intrigue d’Atala, la résume et la condense, avec une grande profondeur, en un seul fragment illustrant la densité du chagrin amoureux du personnage.
A travers ce seul détail de la tragédie, le texte de l’écrivain est comme sublimé par le tableau du peintre. S’y dévoile pleinement — autant sinon mieux que dans le tableau définitif — la fascination romantique pour le primitivisme chrétien, associant la sauvagerie et l’innocence, la pureté des sentiments et la sensualité des corps. Chateaubriand ne s’y est pas trompé qui écrivit dans une note de la troisième édition des Martyrs un hommage à double tranchant : « Il était bien juste que je rendisse hommage à l’auteur de l’admirable tableau d’Atala au tombeau. Malheureusement je n’ai pas l’art de monsieur Girodet, et tandis qu’il embellit mes peintures, j’ai bien peur de gâter les siennes. »

 

Repère chronologique de la vie de Chateaubriand :
Publication du roman Atala en 1801, et 3e édition des Martyrs, janvier 1810.

Bibliographie :
Girodet, 1767-1824 . exposition 2005-2007, Paris, Musée du Louvre, Chicago, The Art Institute, New York, The Metropolitan Museum of Art, Montréal, musée des Beaux-Arts, , Paris, Musée du Louvre éditions, Gallimard, 2005, n° 51, p. 301, œuvres en rapport documentées.

Œuvres posthumes de Girodet-Trioson, peintre d’histoire ; suivies de sa correspondance ; précédées d’une notice historique, et mises en ordre / Pierre-Alexandre Coupin.  Paris, Jules Renouard, 1829, 2 vol., p. LVIJ
Atala / Chateaubriand. Paris, 1801

Les Martyrs / Chateaubriand, 3e édition, 1810

Œuvres en rapport :
Atala, par A.-L. Girodet, n° Inv. 2013.8.1.

Rédacteur de la notice : Gisèle Caumont  ; Date de rédaction : août 2016