Cette lettre de remerciements l’un des familiers de Juliette Récamier est adressée à Jean-Charles de Lacretelle (Jean-Charles-Dominique de son prénom complet) dit Lacretelle le jeune.

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Jean-Jacques Ampère (Lyon, 1800 – Pau, 1864). Lettre manuscrite autographe signée adressée à Jean-Charles Dominique de Lacretelle, 22 juin 1847. 3 pages, sur 2 feuillets dont un plié, 21,7 cm x 16,6 cm. Inv.  2014.1.6


 Lacretelle commença sa carrière dans le Journal des Débats. Il enseigna l’histoire à la Sorbonne à partir de 1812. Il est considéré comme l’un des pionniers des études sur la Révolution française.
La formule d’appel, "Monsieur et illustre confrère", fait référence à l’Académie française dont l’expéditeur, comme le destinataire, était membre. Jean-Jacques Ampère, fils du célèbre physicien, spécialiste du Moyen-Âge, fut professeur au Collège de France. Il est l’auteur, en 1849, d’un ouvrage à la mémoire de son ami l’écrivain et philosophe Pierre-Simon Ballanche, lequel fut inhumé dans le caveau de Juliette Récamier.
Sa missive est relative à la mort de Ballanche, survenue dix jours plus tôt, le 12 juin, des suites d’une congestion pulmonaire. Ce décès avait beaucoup affecté Chateaubriand et Madame Récamier. Celle-ci avait assisté aux derniers moments de ce très proche et fidèle ami, en dépit de son état de santé fragile et d’une récente opération de la cataracte. Elle avait en effet subi cette intervention — qui n’avait alors rien de bénin — le 3 mai. Cela explique l’émouvante sollicitude à son égard dont témoigne Ampère dans ces mots. Malgré l’espoir prudent qu’il manifeste, l’opération échoua ; une seconde, quelque temps plus tard, laissa Juliette Récamier presque entièrement aveugle. De fait, la technique chirurgicale qu’il mentionne échouait très souvent et avait déjà été abandonnée par de nombreux chirurgiens dès la fin du XVIIIe siècle.

 

Transcription :

« Mon cher et illustre confrère,
J’ai lu à Madame Récamier et à Monsieur de Chateaubriand la lettre si touchante et si élevée que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire. Elle nous a pénétré tous d’attendrissement. Il est impossible de mieux exprimer ce que nous sentons. L’hommage universel de regrets et d’estime que suscite la mémoire de notre ami est la seule chose qui puisse apporter quelque adoucissement à notre inconsolable douleur. //
Madame Récamier est accablée. Son corps est brisé comme son âme et dans l’état où elle est la situation est bien triste. L’opération a été faite il y a environ six semaines et il n’y a point eu d’inflammation et M. Blandier ( Blandin ?) était très content. Seulement sa vue revient bien lentement on dit qu’il n’y a rien de (? ou eu) là d’extraordinaire, surtout lorsque l’opération se fait par abaissement et que la cataracte était ancienne. Nous tâchons donc //
de prendre patience, mais nous craignons que cette dernière secousse n’ait encore retardé l’entière guérison. Telles sont nos tristesses. Madame Récamier m’a chargé de vous dire combien elle était touchée de votre sympathie et de celle de Madame de Lacretelle. Tout signe de souvenir et d’intérêt d’elle ou de vous lui sera toujours extrêmement cher et précieux et moi je m’honorerai toujours des expressions dont vous avez voulu vous servir à l’égard de votre sincère admirateur et bien dévoué confrère.

JJ Ampère

Mardi 22 juin 1847 »

 

Repère chronologique de la vie de Chateaubriand :
Mort de Ballanche et dernière année de sa vie de Chateaubriand

Bibliographie :
« La “voyageuse de nuit” » in : Chateaubriand / Jean-ClaudeBerchet , Paris, Gallimard, 2012, p.885-913.

Rédacteur de la notice : Gisèle Caumont   ; Date de rédaction :  août 2016